Ma réponse à Philippe sur comment choisir entre EURL ou SASU

Il me dit suite à un entretien avec son conseiller Jean de Pôle Emploi :

“Ne serait-il pas plus profitable de créer une SASU au départ puis deux ans plus tard modifier en EURL (coût ? formalité ?) en conservant mon ARE (2 ans) ?
La SASU m’apporterait un statut plus confortable en termes de protection sociale.
Le bénéfice qui revient au gérant associé unique SASU n’est pas soumis aux cotisations sociales (contrairement à l’EURL) si j’ai bien tout compris.”

Pour vous répondre Philippe, il faut donc préciser le régime des cotisations sociales dans les 2 situations évoquées.

EURL ou SASU : cas d’une SASU classique avec imposition à l’IS

Régime social du président de SASU

Alors le président de SASU est un “assimilé salarié”. C’est-à-dire qu’il est affilié au régime général de la sécurité sociale et bénéficie de la même protection sociale que les salariés cadres.

Ses cotisations sociales sont calculées sur la base de sa rémunération brute.

Alors il ne cotise pas à l’assurance chômage et ne bénéficie donc pas du droit aux allocations chômage.

Contrairement au système de cotisations sociales des indépendants, le paiement des cotisations pour l’année N se fait sur la rémunération de l’année N directement. Mais il n’y a aucun décalage de paiement d’un à deux ans. Donc ce qui suppose que vous allez payer très vite vos cotisations. Alors vous ne pourrez pas « jouer » sur les 18 mois d’attente en moyenne dans le cadre de ce régime anciennement appelé RSI. Ainsi cela est plutôt une bonne chose. Donc mieux vaut ne pas s’habituer à jouer avec le décalage de paiement des cotisations.

Points importants :

1. Les cotisations minimales en cas de non revenu sont nulles.
2. En revanche quand il y a rémunération les cotisations sociales sont très élevées. Donc 65% du montant du salaire net + charges patronales. Soit près de 85%.

Si vous touchez 2000 euros net, la société a déboursé 3700 euros.

Régime fiscal de la rémunération du président de SASU

La rémunération du président est imposée à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des traitements et salaires (application de la déduction forfaitaire pour frais professionnels de 10 % ou déduction de ses frais professionnels réels et justifiés).

Régime fiscal et social des dividendes en SASU

Les dividendes supportent désormais de plein droit au prélèvement forfaitaire unique de 30% qu’on appelle la FLAT TAX. Donc elles ne sont pas assimilées à un revenu du travail. Et il n’y a donc pas d’impact sur votre maintien du chômage.

Le cas d’une EURL classique imposée à l’IS

Régime social du gérant d’EURL

Le gérant de l’EURL relève du régime des travailleurs non-salariés.

Ses cotisations sociales sont moins élevées que celles d’un président de SASU (en tout cas, avec certitude tant qu’on est dans la tranche A. (tranche A : de 0 à 3 129 € par mois). Donc pour faire une approximation rapide. En effet le TNS aura 45% de charges sociales alors que le TS aura 85% sur la première tranche.

Cotisation minimale en cas de non revenu. Donc + /- 970 euros / an.

Dans les 2 colonnes on voit que le CA ne permet de verser qu’un petit revenu de 15 K € annuel. Mais dans le cas de la SASU les cotisations sociales sont très lourdes et font basculer le résultat en perte.

Régime fiscal et social des dividendes en EURL

Si la société est soumise à l’IS, la part des dividendes perçus par le gérant ou par son conjoint, son partenaire pacsé ou ses enfants mineurs, est assujettie à cotisations sociales pour la fraction supérieure à 10 % du capital social en proportion de la part qu’il détient, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant. Cela veut dire que ces dividendes sont assimilées à une rémunération. Et ce qui impacte le maintien d’une aide de Pôle Emploi s’il y en a une. Toutefois on peut aussi imaginer ne pas se verser de dividendes pendant toute cette période !

Comment calculer la part des dividendes soumis à charges sociales ?

Mais la part des dividendes qui est soumise à charges sociales correspond à la fraction supérieure à 10 % du montant correspondant à la somme du capital social, des primes d’émission et des sommes versées en compte courant d’associé appartenant au dirigeant non-salarié et à sa famille (conjoint, partenaire pacsé, enfants mineurs non émancipés).

Exemple

• Imaginons que vous êtes gérant majoritaire d’une SARL au capital social de 30 000 €. Alors vous détenez 80% des parts. Donc prenons l’hypothèse que vous versiez 10 000 € de dividendes aux associés, soit 8000 € pour vous. Mais pensez-vous que cette somme soit soumise à charges sociales ?
• Les dividendes doivent être comparés à 10 % du capital détenu par le dirigeant soit 10 % X (80 % de 30 000) = 2400 euros.
• Mais dans ce cas la fraction de dividendes entre 2400 et  8000 € est soumise à cotisations sociales.
• Moralité : vous comprenez mieux l’intérêt d’avoir mis un capital social élevé ?

A noter que le montant du capital social et des primes d’émission à retenir correspond à l’évaluation faite au dernier jour de l’exercice précédant la distribution des dividendes en question.

Le capital social comprend ainsi:

• les apports en numéraires intégralement libérés (l’argent versé à la société)
• les apports en nature (autres biens matériel apporté comme une voiture, un ordinateur…)
• et les réserves incorporées au capital.
• Les primes d’émission versées par les nouveaux associés à la société et non incorporées au capital social sont aussi prises en compte.

Comment évaluer le montant du compte courant d’associé retenu ?

Alors il s’agit de calculer le solde moyen annuel du compte. Donc on additionne les soldes moyens mensuels du compte. Et on divise par le nombre de mois compris dans l’exercice comptable. (12 la plupart du temps, 14,16,18 ou 24 mois parfois pour certains exercices exceptionnels comme celui du démarrage).

Pour les EIRL, on retient 10 % du montant du patrimoine affecté ou 10 % du bénéfice net, si celui-ci est d’un montant supérieur au premier chiffre. Ainsi pour ce calcul, il est tenu compte du patrimoine affecté constaté en fin d’exercice et du montant de la valeur des biens du patrimoine affecté correspondant à leur valeur brute (avant dépréciation liée à l’amortissement), auquel on soustrait les encours d’emprunts y afférents, appréciés au dernier jour de l’exercice précédant la distribution des dividendes. Donc le bénéfice correspond à celui de l’exercice précédant la distribution des dividendes.

Votre expert-comptable réalisera ces calculs évidemment. Pas de panique !

Reprenons notre exemple :

Alors vous êtes toujours gérant d’une SARL soumise à l’IS, au capital de 30000 €. Ainsi vous détenez 80% des parts et votre partenaire 20%. Et il n’est pas membre de votre famille. Vous voulez toujours verser 10000 € de dividendes aux associés.

Donc votre compte courant est de 20000 € et celui de l’associé partenaire de 2000 €.

Ainsi le montant total des dividendes est de 10000 € répartis à proportion des droits des associés, soit 8000 € pour votre famille.

Alors le calcul du seuil de 10 % à partir duquel les dividendes sont soumis à cotisations sociales.

Pour le calcul il faut prendre en compte :

• Vos parts (80 % de 30000), soit 24000 €
• Votre compte courant  (et non celui de votre associé partenaire) de 20000 €
• Le seuil à prendre en compte pour l’assujettissement des dividendes à charges sociales s’élève à : 10 % de (24000 + 20000) = 4400 €

Ainsi la part des dividendes à réintégrer dans le calcul des charges sociales s’élève donc à 8000 € – 4400 € = 3600 €

Régime fiscal de la rémunération du gérant d’EURL

Alors le gérant majoritaire ne peut plus déduire forfaitairement de sa rémunération, des frais professionnels (à hauteur de 10 %) pour déterminer l’assiette de calcul de ses charges sociales. Cependant, la déduction de ses frais réels reste possible. (loi de financement de la sécurité sociale du 17 décembre 2012).

Mais pour faire simple, tant que l’entrepreneur doit faire ses preuves pour gagner sa vie et qu’il ne gagne pas une très grosse rémunération, le régime de l’EURL est le plus léger fiscalement. Alors la protection sociale du gérant TNS est alignée sur le régime des TS. 

Mais depuis le 1er novembre 2019, les indépendants TNS ont également droit à 6 mois de chômage à hauteur de 800 euros s’ils remplissent les conditions nécessaires :

Quels impacts sur l’ARE si le gérant prélève des dividendes ?

Si les dividendes ne sont pas soumis à cotisations sociales : il n’y a aucun impact.

Ainsi si les dividendes sont soumis à cotisations sociales dans le cas de l’EURL selon les règles expliquées, elles sont assimilables à un revenu. Donc il faut considérer que Pôle Emploi pourra les prendre en compte dans ses calculs et modifier votre montant de droit. Cela peut donner lieu à une demande de remboursement pour trop perçu.

Est-ce un vrai risque ?

Non je ne pense pas.

La précaution consiste à mettre un capital social suffisamment important pour ne pas avoir de cotisation sociale dès les premiers dividendes versés et à simplement maximiser ses remboursements de frais comme je l’explique dans cet article. Mais pour 90% des entrepreneurs, le maintien de l’ARE avec des frais professionnels jusqu’à 1500 euros par mois sont largement suffisants.

Alors rappelons qu’avant de penser à comment faire pour prendre de l’argent dans son entreprise, il faut être capable de générer des bénéfices dans cette entreprise !! Et sur ce sujet, il faut bien avouer que la plupart des entrepreneurs sont assez démunis.

Vidéo sélectionnée sur l’EURL ou SASU

Comment choisir son statut juridique entre l’EURL et SASU ?