Optimisme et création d’entreprise ?
Un excellent article à lire de toute urgence qui vous permettra de faire le point sur votre position personnelle face à la chance et aux entrepreneurial opportunités !
Philippe Gabilliet, enseignant à l’ESCP Europe, affirme dans “Eloge de l’optimisme – Quand les enthousiasmes font bouger le monde”, ce que l’on présentait depuis longtemps : la chance, y compris dans les affaires, ça se travaille… Selon lui, les grands optimistes sont des machines à fabriquer de la chance.
Éloge de l’optimisme pour temps de turbulences !
On est en juin 2014. J’arrive dans un dîner en ville, où, de temps en temps, on m’invite encore.
― Qu’est-ce que vous faites dans la vie ?
― Je suis professeur d’optimisme.
Soit les visages s’éclairent, soit ils se ferment. Mais il n’y a pas de demi-mesure. Je suis clivant, comme on dit aujourd’hui. Vous me direz : « Mais comment est-ce qu’on devient professeur d’optimisme ? » C’est une bonne question. Je vous répondrai : « Sur un malentendu ! »
Un malentendu !
Au départ, je ne suis pas prof d’optimisme. Je suis normalement professeur de leadership. Et, en particulier, de leadership développement. Mon travail, c’est : comment se fait-il que des gens réussissent ? Qu’ils soient heureux ? Et qu’ils ne fassent pas le malheur des autres ? Pendant des années, j’ai travaillé là-dessus. J’ai beaucoup travaillé sur la chance, sur la motivation, sur l’énergie…
Il y a quatre ans de ça, je suis à l’ESCP, avenue de la République. Je suis dans mon bureau. Et à ce moment-là, je reçois un coup de téléphone très étonnant. Un monsieur au bout du fil me dit :
― Bonjour monsieur, je vous appelle de Bruxelles. Je suis avocat, je suis Belge et je suis le président fondateur de la Ligue des Optimistes du royaume de Belgique.
Ça commence très fort
Là-dessus, le type, toujours très sympa, me dit :
― Je dois aussi vous préciser que je suis le président fondateur d’une ONG qui s’appelle Optimistes sans frontières. Et jusqu’aux prochaines élections, je suis encore le président de la république d’Optimistan, un pays que j’ai créé avec quelques amis, un pays dont sont citoyens de droit tous les optimistes du monde. Un État tout à fait particulier sur la planète puisque c’est avant tout un État de conscience.
Je me dis que j’ai touché le gros lot ! Soit ce sont des étudiants qui font une blague, soit je suis tombé sur un frappé. J’ai l’habitude, je les attire. Pas du tout, le type est très sérieux. Il est devenu, depuis, un ami très cher. Il a pignon sur rue. Maître Luc Simonet, fondateur de tout ce truc-là.
Je dis :
― Monsieur, c’est formidable, quel projet extraordinaire ! Mais qu’est-ce que je peux faire pour vous ?
― Écoutez, je vous appelle parce qu’on est en train de créer des Ligues des Optimistes dans tous les pays d’Europe.
Les pessimistes en France
D’habitude, ça se passe bien, mais je ne vous cache pas qu’il y a un pays qui fait de la résistance. Michel Audiard disait : « En France si les pessimistes volaient, il ferait nuit. » Et donc, avec vous, on a du mal. Ce n’est pas que vous soyez pessimistes, les Français, mais vous cachez votre joie. Écoutez, on va créer la Ligue des Optimistes de France.
― Vous êtes sûr de votre coup ?
― Oui, oui, vous allez voir.
Si vous allez sur internet, ce qui doit vous arriver à tous quotidiennement, faites l’expérience. Vous verrez c’est tout à fait fascinant. Si vous tapez « pessimisme », vous voyez à peu près un-million-huit-cent-vingt-mille pages web ! C’est un vrai sujet, le pessimisme. Créer une Ligue des Pessimistes de France, par exemple, je vous dirais, c’est bon. Alors, l’optimisme, c’est bien ce que je pensais, ce n’est pas sérieux ? Mais si, c’est très sérieux !
L’optimisme, c’est, dans toutes les langues européennes, cinq fois plus d’occurrences sur le web que le pessimisme ! Pourquoi ? Parce que depuis des années l’optimisme s’est constitué en tant qu’objet scientifique : dans les sciences de l’éducation, dans le management, dans la psychologie du comportement, dans la santé et la psychologie de la santé, etc.
Les mécanismes de l’optimisme sont fondamentaux
Aujourd’hui, les mécanismes de l’optimisme sont absolument fondamentaux. À condition de bien comprendre que l’optimisme n’est pas uniquement un trait de caractère. C’est bien sûr un trait de caractère qu’un certain nombre d’entre nous ici peut-être partageons plus que d’autres.
Mais c’est aussi une attitude, une posture mentale. Et comme toute posture, ce n’est pas obligatoirement une posture naturelle. S’il y en a qui ont fait du yoga, ici dans la salle, vous le savez aussi bien que moi. Les postures de yoga, dans le fond, quand on y réfléchit bien, c’est l’horreur. On se dit : « Si je n’avais pas payé pour être dans ce club-là, et pour me mettre dans cet état-là, je ne le ferais jamais. »
Alors l’optimisme, c’est pareil, ça ne va pas naturellement de soi. Victor Hugo disait : « Rien ne pourra jamais arrêter une idée dont l’heure est venue. » Nous, on part du principe que l’idée de l’optimisme est venue.
La Ligue des Optimistes de France
Ainsi on a créé la Ligue des Optimistes de France. Moi, j’ai monté un bureau. Je ne vous cache pas qu’ils ne sont pas jeunes, les membres du bureau. Erik Orsenna m’a dit : « Ouais, d’accord ». Jean d’Ormesson : « Formidable ».
Matthieu Ricard m’a envoyé sa procuration depuis le Népal (d’ailleurs, il n’a jamais vraiment bien compris où il mettait les pieds). Éric-Emmanuel Schmitt… On a lancé tout ça. Moi j’ai pris la présidence d’Optimistes sans Frontières il y a deux ans. J’ai encore un an de mandat. Bon, on essaie de faire bouger les choses. On tente le coup et ça marche plutôt bien parce que c’est accueilli de façon sympathique.
Pour ça, il y a un travail de pédagogie à faire. Entre autres dans les entreprises, au niveau de l’État, chez les hommes politiques. Ah ! Les hommes politiques. Ils sont toujours optimistes. Ils ont intérêt ! Raffarin disait : « Avant, on avançait dans la mauvaise direction, maintenant on recule dans la bonne ». Qu’est-ce que je vous voulez que je vous dise ? Pourtant la vie politique, ça rend optimiste !
Quand on est un type comme moi, carrément dégarni, légèrement enveloppé… J’ai appris depuis six mois que si j’ai un scooter et un casque, tout peut arriver. Pour tous ceux qui sont comme moi dans la salle, l’espoir renaît ! Si j’en crois la presse, depuis hier, la crise est finie. On a gagné le premier match. Inutile de vous dire que si on a le malheur d’en paumer un… Ce n’est même pas du pessimisme. Ça peut arriver, ça s’est vu. Qu’est-ce qui va se passer ?
Le fonctionnement de l’optimiste
Alors, c’est tout le problème. L’optimiste, dans le fond, a un mode de fonctionnement qui est très étonnant. Quand vous êtes optimiste, vous allez à contre-courant. Mais regardez, c’est la tempête. Il pleut partout, et puis vous, vous êtes là, vous avez la tempête en face de vous, le nez au vent… Ce n’est pas très sérieux. En plus, l’optimiste, je vais vous dire ce qu’on lui reproche : il se la pète un peu. Franchement, attendez, un peu de tenue. Pour qui vous vous prenez ?
Alors, quand il est tout seul, ça peut aller. Mais l’optimiste en plus, il s’attaque à des trucs… Il ne devrait pas. Mais, pourtant, on a envie de dire : « Mais si, il a raison, il faut y aller ». D’ailleurs, je vais vous dire : mine de rien là. Ça, c’est un psy qui vous parle. Je vais vous donner un truc de psy. On dit quand même, le petit là, il est courageux. Ou attendez, mais vous rigolez ? Le gros, là, il a un doute ? Là, il est en train de se dire, il y a un coup fourré, ce n’est pas possible. Il y a des gros planqués derrière.
Le vrai optimiste, c’est celui qui vous dit : « Mais pourtant, je ne comprends pas, je suis au bon endroit. Qu’est-ce qui peut bien se passer ? Je n’ai pas de chance aujourd’hui ! ».
Ce que j’aime bien, c’est l’optimisme de combat, vous voyez : « Never give up ». Je n’ai pas l’intention de me faire bouffer moi, ni par la crise, ni par la mondialisation, ni par rien du tout.
Et vous avez l’optimiste « Start up ». C’est-à-dire, rien à faire. Je traverse la vallée de la mort en souriant. Cela dit, il ne faut pas qu’il y ait un chien qui éternue sur ce coup-là. Mais là, on passe tranquillement.
Ce qu’on reproche aux optimistes
Dans tous les cas de figure, ce qu’on reproche souvent aux optimistes : « Vous avez quand même des lunettes rose bonbon sur le nez. Regardez ce qui se passe autour de vous. Les nuées s’accumulent à l’horizon, il y a la crise, le chômage, la misère. Et vous vous êtes là, youplaboum ». Ah, mais attention, il n’y a pas de youplaboum qui tienne. Ce n’est pas parce qu’on est optimiste qu’on dit que tout va bien. C’est même le contraire.
Mais la caractéristique des vrais optimistes, des optimistes de combat, c’est que ce sont des hommes et des femmes qui vous disent : « Certes, ça ne va pas bien, mais… » Alors que le vrai pessimiste vous dira : « Oui, il y a des trucs qui vont bien, mais… » Tout dépend où vous allez coller le mais, vous voyez ?
Ainsi Éric-Emmanuel Schmitt, membre du bureau qui a une certaine tenue, avait écrit à une époque : « C’est dommage que l’optimisme soit si souvent confondu avec sa caricature ! ». Comme si un optimiste était obligatoirement un homme ou une femme un peu niais, un peu naïf, etc. C’est aussi ridicule que si je vous disais qu’un pessimiste est quelqu’un qui est toujours triste, dépressif, morose, etc. Pas du tout ! La vie n’est pas comme ça. Ça ne fonctionne pas comme ça.
L’optimisme une posture puissante
Si on veut comprendre comment fonctionne l’optimisme en tant que posture mentale et pourquoi c’est une posture qui est puissante, il faut essayer de regarder ça. Moi ce que j’aime beaucoup, dans ces images, c’est ce qu’elle nous montre. Elles nous montrent des environnements qui ne sont pas, a priori, des environnements cool. On est dans des environnements qui sont peut-être dangereux, voire toxiques. Que sais-je ?
Mais ce sont des environnements qui ont tous une caractéristique. C’est que la vie, coûte que coûte, continue à y trouver son chemin. Et l’optimiste, en fait, c’est ce qu’il dit. L’optimiste vous dit : « Où que vous soyez, quoi que vous soyez, vous pouvez faire un pas en avant. Vous pouvez inventer quelque chose de nouveau qui va totalement chambouler les choses. La vie retrouvera toujours son chemin. »
La croissance ou la performance
Alors, je vous dis, la vie comme je vous dirais la croissance ou la performance. Quand on est en milieu hospitalier, c’est la santé, le bien-être, etc. Ça ne veut pas dire que c’est sûr, ça veut dire que c’est possible.
Dans le fond, la posture pessimiste, c’est une posture très intelligente. Nos grands intellectuels sont très souvent des hommes ou des femmes pessimistes. D’ailleurs, si vous voulez passer à la télé aux heures de grande écoute, vous avez plutôt intérêt à être pessimiste, c’est logique.
Pourtant, comment ça fonctionne ? Vous savez, un optimiste, c’est quelqu’un qui affronte les difficultés, les incertitudes du monde, d’une façon qui soit la plus positive et la plus active possible.
Un optimiste va tenter d’optimiser
Alors, en bon français, on pourrait dire qu’un optimiste est quelqu’un qui, en toute circonstance, va tenter d’optimiser. Pas uniquement pour lui ou pour elle, mais aussi pour les gens qu’il y a autour de lui. À l’inverse, le pessimisme, c’est une posture de solitaire, avoir raison tout seul, être capable d’être lucide sur les déboires du monde.
Dès l’instant où on est père ou mère de famille, où on s’occupe de jeunes dans des associations, où on est manager, où on a des équipes, le pessimisme, surtout le pessimisme chronique, constitue un comportement moralement condamnable.
Les trois réflexes de l’optimiste
Ainsi vous me direz : l’optimisme, ça marche comment ? C’est toujours les mêmes choses. Un optimiste, il a trois réflexes de base dans la vie de tous les jours, qui se travaillent.
Premier réflexe : tant qu’à faire face à une réalité ambiguë, je vais m’attacher en priorité à ce qui va bien. Ça ne veut pas dire que tout va bien. Ça veut dire que tant qu’à faire, je vais regarder là où ça colle. Il y a un vieux proverbe oriental qui dit : « Quand mon ami est borgne, je le regarde de profil ». Ça n’enlève rien au fait qu’il soit borgne. Et bien sûr, on dit : « Le verre, il est à moitié plein. » « Non, il est à moitié vide ». Mais c’est un débat débile !
Vous savez la différence qu’il y a entre un optimiste, un pessimiste et un contrôleur de gestion ? Le vrai optimiste va vous dire :
― Tu vois, là, le verre (moi je suis bordelais donc je peux vous dire que c’est un verre de Sauternes), il est à moitié plein.
Le pessimiste dit :
― Mon pauvre ami, tu es naïf. Malheureusement, ce verre est à moitié vide.
Et à ce moment-là, il y a le contrôleur de gestion qui rentre dans le bureau et qui dit :
― Je vais vous mettre d’accord : le verre est surtout deux fois trop grand !
Vivre en réalisme
Mais mathématiquement parlant, c’est le contrôleur de gestion qui a raison. Le problème, c’est que ça ne fait pas avancer le schmilblick, comme disait l’autre. Pourquoi ? À quoi ça me sert de savoir ? « Attendez monsieur Gabilliet, moi je ne suis ni optimiste, ni pessimiste. Moi je suis un réaliste ! » Et souvent, ceux qui me disent ça sont fiers de dire : « Je suis un réaliste ».
Quel projet de vie, vivre en réalisme, merveilleux ! Si vous êtes un réaliste, vous ne ferez jamais d’enfant. D’ailleurs, à la limite, vous ne ferez jamais l’amour… On ne monte pas d’entreprise. Pourquoi faire des études pour se retrouver au chômage ? Le réaliste vous dira de regarder le monde comme il est. Mais ça n’a aucun intérêt de voir le monde comme il est. Vous vous voyez, vivre votre vie comme elle est ? Vous vous voyez vivre votre vie amoureuse en mode réaliste ? Imaginez ! On va faire un exercice. Vous allez voir, cela va très vite.
Attention, c’est dangereux !
Mais imaginez que, instantanément dans cette salle, vous êtes tous à nouveau célibataires. Et comme je connais beaucoup de monde dans Paris, je vais vous dire avec le carnet d’adresses que j’ai, mesdames, messieurs, pour chacun d’entre vous, chacune d’entre vous, je vais vous faire rencontrer l’homme ou la femme qu’il vous faut. Je vous promets en tout cas un ou une réaliste du feu de dieu.
Alors, on est bien d’accord, ça n’intéresse personne. Puisque je suis en train de vous dire que je vais vous présenter quelqu’un qui, d’entrée de jeu, va vous voir tel que vous êtes. On n’est pas là pour ça. Le problème du réalisme, c’est ça. C’est que le réalisme a tendance à tuer le rêve.
Mais le verre à moitié vide, à moitié plein, tout ça, ça n’existe pas. Parce que dans le verre de Sauternes qui est là derrière moi, je vais vous donner un secret. Même dans la partie à moitié vide, il y a encore l’arôme. Donc la moitié vide, ça n’existe pas. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’il est beaucoup plus intéressant de se mobiliser sur ce qui est à moitié plein que sur ce qui est à moitié vide.
La possibilité du meilleur
Alors, là-dessus, l’optimiste aussi a un autre type de réflexe qui peut agacer. C’est que l’optimiste s’entête à annoncer la possibilité du meilleur. Il voit toujours dans les réalités ambiguës ce qui pourrait s’améliorer, ce qu’on peut en faire. Alors, bien évidemment, ça n’est pas une certitude. Mais si je veux arriver à mobiliser des collaborateurs, un corps social, des amis autour d’un projet, mes enfants sur leur avenir, je n’ai pas le choix. Je ne vais pas passer ma vie en mode lucide. Bien évidemment qu’il y a des risques pour le futur, bien évidemment que demain est plein d’incertitudes.
L’incertitude du lendemain
Mais l’incertitude du lendemain peut-elle être un outil de mobilisation des autres ? Qu’est-ce qui donne un sens à la vie ? On ne peut pas dire : « J’ai rendu les autres heureux ». C’est très compliqué. Et ça, en revanche, on peut dire : « J’ai donné envie. Dans tout un tas de circonstances de ma vie, j’ai tenté de donner envie aux autres ».
Mais ça ne veut pas dire que ça marche à tous les coups. Vous savez, Milan Kundera a une belle phrase : « Je préfère vivre en optimiste et me tromper, que vivre en pessimiste pour la seule satisfaction d’avoir eu raison ». Au-delà de voir le verre à moitié plein, l’optimiste a cette puissance formidable : il croit à l’action. Ça ne veut pas dire que ça marche à tous les coups. Mais si on ne fait rien, il ne se passera rien. Ou s’il se passe quelque chose, nous n’y serons pour rien.
Donc ça ne sera pas véritablement intéressant.
L’histoire du jardinier
Alors, il y a une histoire que j’aime beaucoup. Un jardinier arrive un jour au bout du monde connu, devant une terre désertique à perte de vue. Il demande à qui appartient cette terre. On lui dit, elle n’appartient à personne. Tout est mort. Il dit :
― Pourtant, si elle appartenait à quelqu’un, j’aurais été acheteur.
Et les gens du village disent :
― Écoute, cette terre désertique à perte de vue n’appartient à personne, tu n’en tireras jamais rien, si tu la veux, prends-là.
Et les années passent
Cinq ans, dix ans, la légende ne le dit pas. Peut-être dix ans. En tout cas, au bout de dix ans, ce champ est devenu un champ magnifique. À perte de vue des fleurs, des plantes médicinales rares, des fruits, des légumes qu’on n’avait jamais vu pousser dans la région.
Alors, c’est tellement miraculeux que tout le monde en parle dans des centaines, des milliers de lieues à la ronde. Et ça arrive aux oreilles d’un ermite, un saint homme qui vivait dans la montagne depuis de nombreuses années. Il entend dire qu’il y a dix ans serait arrivé dans la vallée un jardinier extraordinaire qui aurait pris possession de ces champs de la mort désertiques à perte de vue depuis toujours et les aurait transformés en jardin extraordinaire. Le saint homme se dit : « C’est impossible. Soit ce type a fait un pacte avec les forces du mal et je dois m’en occuper. Soit il a effectivement réussi ça, il va tomber dans le péché d’orgueil et je dois aussi m’occuper. Je descends. »
Il prend son bâton de pèlerin et il descend dans la vallée.
Alors, on lui présente le jardinier. Il lui dit :
― Jardinier, j’ai vu ce que tu as fait, c’est formidable. Attention, es-tu bien sûr que c’est toi qui as fait ça ? Bien sûr, on ne peut que te féliciter. Mais j’espère que tu n’oublies pas à qui, si tu vois ce que je veux dire, tu dois d’avoir réussi ça ? Et j’espère que le matin quand tu fais tes prières, tu n’oublies pas de remercier tous ceux à qui tu dois d’avoir réussi ça.
Le jardinier a un petit sourire et dit :
― Vous savez, saint homme, vous pouvez me faire confiance. Tous les matins, quand je me lève, quand je fais ma prière, je remercie les dieux pour le soleil qu’ils ont envoyé sur cette terre désolée. Tous les matins, je remercie les dieux pour la pluie qu’ils m’ont envoyée quand j’en avais besoin. Tous les matins, je remercie les dieux pour la puissance qu’ils ont mis dans la graine. Et tous les matins, sans exception, je remercie les dieux pour ce miracle sans cesse renouvelé qu’on appelle les quatre saisons. Cela dit, saint homme, vous auriez dû voir cette terre il y a dix ans, quand les dieux, les pauvres, étaient tout seuls pour s’en occuper…
Moralité : Sans l’action, il ne se passera jamais rien.
L’optimisme dans la vie quotidienne
Alors, au quotidien, ça marche comment ? Au quotidien, chaque fois qu’il nous arrive quelque chose (et ça, ce sont les psychologues qui nous l’ont appris), on essaie de comprendre d’où ça vient. Quand il vous arrive quelque chose, vous vous dites : « Mais c’est moi ou c’est pas moi ? » La plupart du temps, on se balade entre les deux.
Mais imaginez quelqu’un qui croirait que c’est toujours les autres. Ça, c’est l’éléphant dans le magasin de porcelaine. Il rentre dans le magasin, il pète tout, il sort, il dit : « C’est mal rangé ici ! »
À côté de ça, imaginez quelqu’un, quoi qu’il lui arrive, c’est lui. Mais c’est invivable, vous imaginez ? Le gars qui vous dit : « Ce n’est pas pour me vanter mais il fait beau aujourd’hui. » Je lui dirais : comment ça ? Le même, il ouvre les fenêtres et il pleut : « Mais qu’est-ce que j’ai encore fait ? » Vous voyez, ça n’irait pas. On se balade entre les deux.
De même, quand il vous arrive quelque chose de très puissant, vous avez tendance à vous dire : « Attends, c’est un accident ou ça va durer ? C’est ma nouvelle façon de fonctionner ? Ou ce n’est qu’aujourd’hui et après la vie va reprendre son cours ? » On ne sait pas trop.
De même, quand il nous arrive quelque chose de très fort, un échec colossal ou une réussite formidable, on ne peut pas s’empêcher de se demander : ça va rester là ou ça va partir dans tous les domaines de ma vie ?
Le pessimiste en mode contagion
Alors, imaginez celui qui rate son examen. Un pessimiste qui rate un examen, il va vous dire : « Oui, j’ai été nul, je suis nul, je n’ai pas assez bossé. » D’ailleurs, s’il est vraiment pessimiste, il va même vous dire : « Franchement je l’ai bien raté quand même. Si je le repasse, à mon avis, ce n’est pas gagné. »
Ainsi, le problème du vrai pessimiste, c’est qu’il fonctionne en mode contagion. « Non seulement, j’ai raté cet examen. Mais en plus, ma copine m’avait dit qu’elle ne resterait pas avec un mec qui n’a pas son bac. Et, de toute façon, pour le job que j’ai trouvé à la rentrée, il fallait le bac. Donc je n’ai pas le bac, je n’ai plus de copine et je suis au chômage. »
Alors que l’optimiste qui rate son bac, il va vous dire : « Écoutez ! Soyons concrets, j’ai raté mon bac. On ne va pas en faire toute une histoire. Je ne suis pas mort, je peux le repasser. Et d’ailleurs, je vais le repasser. On efface tout et on recommence. Je vais le repasser une fois, deux fois, trois fois. Je l’aurai bien un jour ! Regardez l’ensemble des gens qui ont leur bac en ce bas-monde. Il n’y a pas que des lumières. »
L’optimiste en mode contagion positive
Et le vrai optimiste, il va même vous dire : « Et puis quand on dit que j’ai raté, ça se discute. Tu aurais vu l’examinateur à l’oral : un prix Nobel, une lumière. Et puis je ne t’explique pas non plus la nature des sujets qu’ils avaient choisis, ce sont de vrais malades. Demain, tu me donnes un examinateur normal avec des sujets qui tiennent bien la route, je vais finir par l’avoir, ce fichu bac. »
Quand on réussit, vous savez que ça marche aussi ?
Mais imaginez, par exemple, on est dans les affaires. On vient de remporter une affaire formidable, un contrat de folie. Donc on réussit.
L’optimiste qui réussit, il va dire : « Je suis bon, je te dis. Voilà c’est mon truc, je suis bon, je suis doué. Ce n’est pas nouveau. La réussite, tu vois, c’est mon truc. Il y en a qui sont « in the mood for love », moi je suis « in the mood for success ». Désolé. »
Et si vous le poussez un peu, il va vous dire : « Non seulement, je suis bon, mais il n’y a pas de hasard. Tu vois, j’ai obtenu ce business aujourd’hui. À mon avis, cet après-midi, je vais demander une augmentation, c’est bon. Ce soir, je pars en boîte, je vais pécho, c’est sûr. »
La contagion positive
Vous voyez. Le vrai optimiste est là-dedans.
Alors, le pessimiste, lui, même quand il réussit, il cache sa joie. Il va vous dire : « Oui, j’ai réussi. Mais j’ai eu de la chance. On m’a beaucoup aidé. Les gars en face, c’était pas des lumières. Puis heureusement que j’ai réussi sur ce coup-là parce que, la fois d’après, ce n’était pas gagné. Et puis, de toute façon, j’ai ce contrat-là, mais ça n’enlève rien au fait que le reste de ma vie est un champ de ruines. » Il va relativiser quand même pas mal.
Mais je dis souvent aux gens : « Mais si vous ne pensez pas que l’optimisme ,ça puisse totalement booster vos équipes, eh bien, pas de problème, essayez avec le pessimisme. Et puis on en reparle ! »
Donc, on ne peut pas non plus faire haro sur le pessimisme. Parce qu’il ne faut pas se tromper de combat.
L’histoire des deux dragons
Un jour, un grand-père dit à son petit garçon :
― Tu sais que tu as deux dragons qui habitent en toi ? Tu as un dragon pessimiste et un dragon optimiste. Ils se battent en permanence. Les jours où tu as la frite, où tu es en énergie, c’est le dragon optimiste qui gagne. Et puis, les jours où tu n’es pas en forme, c’est le dragon pessimiste.
Alors le gosse dit :
― On ne peut pas tendre une embuscade au dragon pessimiste ? Et puis, dès qu’il a le dos tourné, couak !
― Mon grand, ce n’est pas possible. Ils sont nés avec toi, ils ont grandi avec toi et ils finiront avec toi.
― Mais alors, il n’y a rien à faire ?
― Je n’ai pas dit ça.
― Tu les connais-toi, grand-père, ces dragons ?
― Oui, très, très bien, tu penses, depuis le temps.
― Dis-moi, grand-père, qui est le plus fort des deux dragons ?
― C’est ça, le problème. Ils sont aussi forts l’un que l’autre, depuis toujours.
― Oh ! Mais quel est le plus rapide des deux ?
― Ils sont aussi rapides l’un que l’autre.
― Attends, grand-père, quel est le plus intelligent des deux ?
― C’est ça qui est embêtant, tu vois. Ils sont aussi intelligents l’un que l’autre.
Alors le gosse a un moment de flottement avant d’ajouter :
― Attends, grand-père, je ne comprends pas. Ces deux dragons qui vivent en moi, le pessimiste et l’optimiste, se battent en permanence. Ils sont aussi forts l’un que l’autre, aussi rapides l’un que l’autre, aussi malins l’un que l’autre. Alors, lequel des deux va gagner au bout du compte ?
― Mais c’est très simple ! Comme ils sont de force égale dans tous les domaines, le seul qui va gagner, le seul qui peut gagner, c’est celui que tu vas apprivoiser et que tu vas mettre à ton service. Pour ça, il va falloir que tu lui apportes à manger tous les jours.
L’optimisme et le pessimisme vivent ensemble à l’intérieur de nous
L’optimisme, c’est aussi ça. C’est bien comprendre qu’on n’est pas ou l’un, ou l’autre. Vous et moi, nous sommes les maîtres d’une espèce de forteresse intérieure dans laquelle depuis le premier jour de notre vie, nous avons deux invités : notre optimisme intérieur et notre pessimisme intérieur.
Comme nous n’aimons pas les feignants, nous leur avons donné du boulot. Nous avons confié l’intendance de notre maison intérieure à l’un des deux. Et nous avons gardé l’autre comme serviteur. Ceux d’entre vous qui ont confié l’intendance à leur optimisme intérieur, vous êtes ce que l’on appelle des optimistes. Vous avez heureusement un petit pessimiste, un serviteur qui, de temps en temps, est là pour vous dire : « Fais attention, c’est dangereux, fais gaffe, ça ne marche pas à tous les coups. » Ce n’est pas mal quand même de fonctionner comme ça.
Et puis il y en a qui ont confié l’intendance de leur maison à leur pessimisme intérieur. Ce sont des hommes ou des femmes plutôt prudents. Ils ne font pas facilement confiance. Ils se méfient, ils cachent leur joie. Mais ils ne dépriment pas. Car il y a le petit serviteur optimiste qui est là, de temps en temps, pour dire : « Tout compte fait, la vie est belle. On a des amis, on a des amours, on a quelques emmerdes, voilà. »
Ce qui est embêtant, c’est si on en congédie l’un des deux par inadvertance. Les gens qui congédient leur pessimisme intérieur et qui se retrouvent en tête-à-tête toute leur vie avec leur optimisme intérieur, ça devient dangereux. On ne voit plus le monde comme il est. Là, on voit vraiment la vie en rose. On est dans le déni. On reproduit ce que faisait Candide chez Voltaire. Ça ne va plus du tout.
L’optimisme intérieur tête-à-tête avec le pessimisme intérieur
En revanche, il y a quelque chose de plus grave. Si un jour, par malheur ou parce que la vie a été un peu dure avec nous, on congédie notre et on se retrouve en tête à tête avec notre pessimisme intérieur, là, attention, c’est dangereux ! Pourquoi ? Parce que (c’est un psy qui vous le dit), si vous habitez trop longtemps en tête-à-tête avec votre pessimisme intérieur, vous allez en tomber amoureux.
Et quand on tombe amoureux de son pessimisme, ça porte un nom : ça s’appelle le cynisme. Là, on se met à se délecter des malheurs du monde. On se met à jouir de ce qui ne va pas, en étant dans l’esthétique du malheur, de la déploration et de la dérision. C’est embêtant parce que même si c’est intelligent, même si c’est brillant, ça désespère les autres. Or notre objectif, à l’échelle d’une vie humaine, c’est d’essayer de ramener les gens autour de nous.
Le pessimisme fait partie de la vie
Vous voyez, le pessimisme fait partie de la vie. Il faut faire avec. C’est une ressource comme les autres. Il y a des ficelles qu’on connaît. Si vous voulez être pessimiste, je vous explique comment plomber un dîner, par exemple. Montrez en priorité tout ce qui va mal. Oscar Wilde disait : « Le vrai pessimiste est celui qui, entre deux maux, choisit les deux. » Ensuite, annoncez de préférence le pire. Et surtout, si vous voulez vraiment plomber l’ambiance, doutez ouvertement du pouvoir de la volonté et de l’action. Donc ça ne va pas, on va dans le mur et de toute façon, on n’y peut rien. Comme ça, au moins, c’est clair et net.
Il y a des cas où l’optimisme est dangereux
Je ne vais pas vous dire le contraire. Il y a des situations où il faut faire gaffe. Dans le monde des affaires, notre monde à nous, il faut faire très attention lorsqu’on est confronté à des situations de la vie professionnelle ou de la vie personnelle qui présentent ces deux caractéristiques en même temps.
Première caractéristique, me voici face à un danger vital pour moi, pour les miens, pour mon budget, pour mon entreprise, pour mon pays, pour mon patrimoine, etc. Je suis face à un risque vital. Et en même temps, je n’ai pas le contrôle de ce qui se passe. Risque vital, plus absence de contrôle, franchement, il vaut mieux jouer le pessimisme.
Mais attention, un pessimisme de combat, un pessimisme actif. Le plan B, c’est un pessimisme de combat. L’analyse de risques, c’est un pessimisme de combat. Le pessimisme de combat, il est issu de la philosophie des lumières. C’est Beaumarchais, qui dans Le Barbier de Séville, fait dire à un de ses personnages : « Je préfère craindre sans raison que m’exposer sans précaution ». Ça, ce n’est pas du pessimisme défaitiste, ce n’est pas de la morosité. C’est de dire qu’il peut arriver parfois que les choses se passent mal. Après, derrière, on verra ce qu’on en fait. Chacun va être maître de ses représentations.
L’optimiste de but
Voilà, et puis au bout du compte chacun fait son choix. Je vais vous dire, Oscar Wilde était un type profondément, politiquement incorrect. Il a eu cette phrase merveilleuse, je m’en excuse par avance, mesdames. Il disait que la différence entre les pessimistes et les optimistes est que les pessimistes sont convaincus que toutes les femmes sont volages alors que les optimistes espèrent bien que c’est vrai. Cela dit, mesdames, vous pouvez raconter exactement la même histoire avec les hommes. Vous dites que c’est Amanda Lear qui a dit ça et ça passe aussi.
A partir de là, voilà, nous avons tous dans la vie des buts et nous sommes à la recherche des chemins pour y parvenir. Certains parmi nous sont des optimistes de but. L’optimiste de but, c’est celui ou celle qui vous dit : ON VA GA-GNER !
L’optimiste de chemin
Après, vous avez des optimistes de chemin. C’est ceux qui vous diront : « Ça va être facile, comme à la parade, les doigts dans le nez. » On a toujours aussi des pessimistes de but : « On va se planter, on va échouer. » Et puis aussi des pessimistes de chemin : « On va souffrir en même temps. »
Dans les temps dans lesquels on vit, l’optimisme radical, c’est-à-dire l’optimisme de but et de chemin, c’est dangereux : « On va s’en sortir et ça va être facile. » Attention !
À côté de ça, je vous déconseille aussi la posture dépressive, c’est-à-dire pessimisme total, pessimisme de but et de chemin.
Évitons aussi la posture dite perverse, dite aussi à la française. Pessimisme de but, optimisme de chemin : « Nous allons échouer, certes, mais ça nous aura appris des trucs . On va dans le mur, j’en conviens, mais on se sera bien marré. » Non ! Ça, c’est très dangereux !
L’optimisme responsable
La seule posture alternative, c’est l’optimisme responsable. C’est-à-dire optimisme de but, pessimisme de chemin : « On va s’en sortir mais ça va être difficile. On va réussir mais nous rencontrerons des obstacles. On va guérir mais la potion sera parfois amère. » Au bout du compte, la vie retrouvera toujours son chemin, c’est ça qui nous sauvera.
Partant de là, comment s’en sortir ? Au quotidien, dans la vie de tous les jours, nous faisons des réunions, nous avons des entretiens en tête-à-tête avec des gens, nous envoyons des mails, nous faisons des conf call, etc. Nous sommes dans des actes de vie quotidienne. Dans ces actes de vie quotidienne, c’est comme dans le secourisme, il y a des gestes de secourisme de l’esprit. Dès l’instant où on les pratique, les choses se mettent à changer.
Il y a quatre clés
La première, c’est tout bête !
Par définition, on n’est pas bon en tout. Regardons d’abord les forces. Vous n’avez jamais rencontré un individu qui réussit quoi que ce soit en prenant appui sur ses carences. Vous n’avez jamais rencontré une entreprise qui soit devenue leader mondial en prenant appui sur ses carences. Alors que toutes les entreprises leader mondial dans leur domaine ont des défauts, des carences.
Tout individu qui vit avec un homme ou une femme extraordinaire vous dira : il ou elle est insupportable. Le problème n’est pas là. On ne peut pas faire la différence, on ne peut devenir un individu mémorable pour soi-même et pour les autres qu’en capitalisant sur ses forces, les forces que l’on a aujourd’hui.
Qu’est-ce qu’une force ? C’est très simple, une force c’est un domaine où :
vous êtes bon ;
vous êtes en énergie quand vous faites ça ;
vous le pratiquez régulièrement ;
vous avez le bon environnement.
Attention, si vous êtes bon dans quelque chose mais que ça ne vous met pas en énergie, ce n’est pas une force. Ça s’appelle une compétence. Et on ne peut pas faire la différence par ses compétences. Pour faire la différence par ses compétences, il faut que la compétence soit aussi une passion. Trouver les endroits où on a à la fois du talent, de la passion et où on s’entraîne pour. C’est avec ça qu’on arrivera à s’en sortir. Les forces d’abord, coûte que coûte, un management basé sur les forces.
Deuxième idée
Allons là où on peut faire bouger les choses. Il n’y a rien de pire, vous voyez, que de s’entêter à mettre son intelligence, son énergie sur des sujets auxquels on ne peut rien. Moi, ça me fascine, même avec des chefs d’entreprise, de grandes entreprises. Vous prenez 20 patrons du CAC 40. Vous organisez une réunion au MEDEF. Vous les mettez tous autour de la table. Et vous les laissez parler.
Vous allez voir, c’est fascinant. Ces hommes et ces femmes ont un potentiel énorme si vous mettez bout à bout : le chiffre d’affaires de leur entreprise, le nombre de salariés qu’ils ont dans le monde, les numéros de téléphone incroyables qu’ils ont dans leur carnet d’adresse, les gens qu’ils connaissent, etc. Pourtant, ils vont passer 80 % du temps pendant le repas à discuter ensemble de sujets auxquels ils ne peuvent rien.
Après, ils n’ont pas le moral. Moi souvent, je leur dis : « Mesdames, messieurs, avec la puissance que vous représentez, les réseaux que vous avez, si vous passiez ne serait-ce que la moitié de ce temps à discuter entre vous de choses auxquelles vous pouvez quelque chose, vous repartiriez l’après-midi le cœur plus léger. »
Il faut aller là où on peut faire bouger les choses. Parce qu’effectivement si on regarde le monde, en permanence sur ce qu’on ne peut pas changer, on ne s’en sortira pas. « Face à la poule, le grain de maïs a souvent tort. » Il faut aller là où on peut faire levier.
Le monde de demain
Je ne sais pas de quoi le monde de demain sera fait, mais j’ai une certitude, parce que ça a toujours été le cas depuis la nuit des temps. Homo sapiens a passé son temps à inventer des solutions imparfaites, temporaires et condamnées à l’obsolescence. Ça s’appelle la civilisation. On va continuer comme ça.
En revanche, si je commence à croire que je pourrai demain trouver la solution avec un grand S, parfaite, définitive, etc. Attention, je suis en train de tomber dans un péché d’idéologie, qui me jouera de mauvais tours.
Enfin, je ne sais pas de quoi demain sera fait. Il y aura par définition des pépites inattendues. Il y aura aussi des pépins inattendus. Ça signifie que je peux être optimiste : de même que les grands moments, les grandes bifurcations de mon passé ont été surprenants pour moi, les grandes bifurcations de mon futur seront surprenantes pour moi.
Voilà ! Les forces, les leviers, les microsolutions, les opportunités, ça, c’est formidable. Une poétesse américaine disait : « Un optimiste, c’est l’incarnation humaine du printemps. » Pourquoi ? Parce que si vous fonctionnez comme ça au quotidien, en regardant d’abord les forces, d’abord les leviers, d’abord les solutions, même si elles sont imparfaites et si vous pensez aux opportunités, si vous fonctionnez comme ça dans les événements de votre vie, vous devenez un homme ou une femme magique pour les autres, puisque vous devenez quelqu’un avec qui tout devient possible.
Vous devenez magique pour vos enfants, magique pour vos collaborateurs, magique pour vos amis, magique pour les gens qui vous aiment. Et même parfois magique pour les gens qui ne vous aiment pas. À partir de là, tout peut arriver.
La boutique de la vie réussie
C’est un gars qui se promène dans un village. Il passe devant un magasin : « Boutique de la vie réussie ». Le type rentre. Il n’y a personne dans le magasin. Derrière le comptoir, il y a un ange avec de grandes ailes.
Le gars s’approche et demande :
― Excusez-moi, monsieur, qu’est-ce que vous vendez ?
― Tout pour réussir sa vie, monsieur. Tout ce que vous voulez, monsieur ! Tout ce dont vous avez besoin pour réussir votre vie, nous l’avons.
― Tout ce que je veux ?
― Absolument tout, monsieur !
― Avant, il y avait trois vœux.
― C’est complètement « has been », ça, complètement dépassé ! C’est un nouveau concept. Tout ce que vous voulez, on l’a en magasin.
― Et ça me coûtera combien ?
― Rien du tout monsieur. C’est un nouveau concept. Ce n’est plus « cash and carry », c’est « wish and carry ».
― C’est formidable !
― De quoi avez-vous besoin monsieur pour réussir votre vie ?
― Bah ! Écoutez, j’envisage de changer de travail. Je voudrais un travail passionnant, diversifié, évolutif. Avec, si je peux prendre la monnaie au passage, je voudrais des collaborateurs d’élite, des collaborateurs premium, motivés, compétents, fidèles.
― Très bien.
― Et puis pour une fois, je voudrais un patron qui s’intéresse à moi, vous voyez ? Quelqu’un qui me renvoie des signes de reconnaissance.
L’ange dit :
― C’est très basique, je vous fais un petit assortiment. Je connais très bien. Je vous mets : travail passionnant, rémunération en conséquence, équipe d’élite, hiérarchie compréhensive et proactive.
― Bon, bah oui, ça c’est bien, je prends.
― Pour réussir votre vie, de quoi avez-vous besoin monsieur ?
― Bah, vous savez, je suis dans le commerce, le développement, l’entrepreneuriat. J’ai la compétence, il me faut du charisme. Je veux arriver quelque part et que les conversations s’arrêtent. J’envoûte, je fascine, vous voyez. Je veux me la péter dans les cocktails, avoir toujours le mot qui va bien quand il faut. Vous pouvez me trouver ça ?
― Monsieur, vous avez de la chance. C’est la promo du mois ! Tenez, je n’invente rien : esprit de répartie, sens de l’humour, culture générale étendue, look d’enfer. Ne me remerciez pas, ça me fait plaisir.
― C’est gratuit ?
― Non, monsieur, c’est offert ! Quoi d’autre, monsieur ?
― Si j’ai ce job-là, le charisme et tout, il faut me garantir une santé de fer jusqu’au bout. Alors vous me sortez toutes les bêtises, hein. Gamma-GT, triglycérides, cholestérol, hypertension, hop ! Je peux faire des gueuletons à répétition, ma surface caressable n’augmente pas trop. Je peux picoler, je n’ai jamais de migraine. J’enchaîne nuit blanche sur nuit blanche, je me réveille le matin frais comme une rose. C’est possible ?
― Monsieur, c’est banal ! Je vous mets métabolisme exceptionnel, capacité de récupération hors du commun. Et parce que c’est vous, notre petit bonus spécial crise : sommeil rapide, profond et réparateur. Quoi d’autre, monsieur ?
― Je voudrais aussi avoir des amis, vous voyez. Oui parce qu’en affaires, on perd ses amis. Je voudrais de nouveaux amis. De l’ami premium, de l’ami solide. Je ne veux pas avoir 4000 copains sur Facebook, non. Je veux de l’ami qui m’aime pour moi-même.
― Vous en voulez combien ?
― Vous les faites à combien ?
― Nous, on les fait à la botte.
― Ce sont des bottes de combien ?
― Des bottes de dix, plus ou moins un.
― Mettez m’en trois bottes. Vingt garçons, dix filles, je ferai l’assortiment à la maison.
― On s’en occupe, monsieur ! Quoi d’autre ?
― Écoutez, j’ai un job de folie, j’ai du charisme, j’ai la santé, j’ai des amis. Que demander… Ah oui ! Attendez, la vie de famille ! C’est important la vie de famille. Je voudrais une belle famille. Vous voyez, alors, une jolie famille. Une famille avec laquelle je serai heureux.
― Quel modèle, monsieur ?
― Le modèle de base, une épouse et deux enfants.
― Très bien, monsieur ! Vous voulez une épouse comment ?
― Normale, iso !
― Qu’entendez-vous exactement monsieur par iso ?
― Normale ! Grande, riche, belle, intelligente, fidèle et compréhensive.
― Quand même ! Et les enfants ?
― Pareil ! Bonne santé, brillants à l’école et qui me foutent la paix quand ils reviennent à la maison.
― Donc là, monsieur, on est bon ?
― Oui, là, on est bon parce qu’on ne se connaît pas encore très bien. Pour une première commande, c’est déjà pas mal.
― Alors monsieur, vous m’avez demandé, et je vais donc vous livrer séance tenante : un travail passionnant, la rémunération qui va avec, l’équipe d’élite, la hiérarchie, compréhensive et proactive. Ensuite, je vous rajoute, ça c’est pour nous, c’est la promo du mois, l’esprit de répartie, le sens de l’humour, la culture générale étendue, le look d’enfer. Vous pourrez en profiter très, très, très longtemps puisqu’à partir de maintenant, vous allez avoir un métabolisme exceptionnel, une capacité de récupération hors du commun, avec un sommeil profond, rapide et réparateur.
Vous pourrez aussi utiliser la trentaine d’amis premium qu’on va vous livrer, comme bon vous semblera. Et vous pourrez toujours revenir chez vous pour récupérer dans cette magnifique famille qu’on va vous livrer avec une épouse normale, grande, riche, belle, intelligente, fidèle et compréhensive, et des enfants en excellente santé, brillants à l’école. Et quand ils seront à la maison, ils vous foutront une paix royale. Est-ce que vous êtes content, monsieur ?
― Vous ne pouvez pas savoir ce que je suis content !
― Très bien. Je vais vous chercher tout ça.
L’ange part dans l’arrière-boutique
Cinq minutes après, il revient et dit au monsieur :
― Pouvez-vous me tendre la main, s’il vous plaît ?
Le type tend la main. Et l’ange dépose dans la main du monsieur un petit sac en cuir tout pourri.
― Mais que c’est que ce truc-là ?
― C’est ce que vous avez demandé !
― Mais qu’est-ce c’est que cette merde ?
― C’est ce que vous avez demandé, monsieur !
― Mais vous vous foutez de moi ? Vous avez tout noté là ! Reprenez vos notes ! Vous avez listé tout ce que je demandais. Puis je ne voudrais pas insister lourdement, mais dans la liste, il y a des trucs un peu encombrants quand même. Et vous me donnez un petit sac pourri, là. Qu’est-ce que c’est que ce truc-là ?
― Monsieur, vous voyez, nous ici, on ne peut donner que ce qu’on a. Alors moi, je peux vous jurer un truc, monsieur, tout ce que vous m’avez demandé, tout sans exception, monsieur, se trouve à l’intérieur de ce petit sac. Vous voyez qui je suis, vous voyez où on est. On ne peut vous donner que ce que l’on a. Voyez-vous, monsieur, nous ici, on vous offre déjà toutes les graines. Mais… pour ce qui est de les faire pousser, monsieur, ça restera quand même votre problème. N’oubliez pas que, dans cette affaire-là, le jardinier optimiste, c’est vous !
Voilà, merci beaucoup.
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